Aller au contenu

Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/94

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Monsieur, interrompit Orso d’une voix émue, je n’ai jamais accusé l’avocat Barricini d’avoir fait assassiner mon père, mais il a fait une action qui m’empêchera toujours d’avoir aucune relation avec lui. Il a supposé une lettre menaçante, au nom d’un certain bandit, … du moins il l’a sourdement attribuée à mon père. Cette lettre enfin, monsieur, a probablement été la cause indirecte de sa mort.

Le préfet se recueillit un instant. — Que monsieur votre père l’ait cru, lorsque, emporté par la vivacité de son caractère, il plaidait contre monsieur Barricini, la chose est excusable ; mais, de votre part, un semblable aveuglement n’est plus permis. Réfléchissez donc que Barricini n’avait point intérêt à supposer cette lettre… Je ne vous parle pas de son caractère,… vous ne le connaissez point, vous êtes prévenu contre lui,… mais vous ne supposez pas qu’un homme connaissant les lois…

— Mais, monsieur, dit Orso en se levant, veuillez songer que me dire que cette lettre n’est pas l’ouvrage de monsieur Barricini, c’est l’attribuer à mon père. Son honneur, monsieur, est le mien.

— Personne plus que moi, monsieur, poursuivit le préfet, n’est convaincu de l’honneur du colonel della Rebbia… mais… l’auteur de cette lettre est connu maintenant.

— Qui ? s’écria Colomba s’avançant vers le préfet.

— Un misérable, coupable de plusieurs crimes, … de ces crimes que vous ne pardonnez pas, vous autres Corses, un voleur, un certain Tomaso Bianchi, à présent détenu dans les prisons de Bastia, a révélé qu’il était l’auteur de cette fatale lettre.

— Je ne connais pas cet homme, dit Orso. Quel aurait pu être son but ?

— C’est un homme de ce pays, dit Colomba, frère d’un