Page:Méry - La guerre du Nizam, Hachette, 1859.djvu/15

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moi, monsieur Edgard ; j’ai déjà fait mon devoir. Si je suis veuve, ce n’est pas ma faute ; je ne m’étais pas mariée pour cela.

— C’est donc à recommencer, madame…

— Oui, monsieur, absolument comme une partie de whist interrompue par un accident… D’honneur ! vous traitez le mariage sur un ton de légèreté !… Oui, on commence le jeu du mariage avec un partner, on l’achève avec un autre… Monsieur Edgard, vous n’aurez jamais la gravité d’un ambassadeur. À quoi donc employez-vous vos études ?

— J’étudie pour me marier.

— Vous êtes encore à l’alphabet, monsieur Edgard.

— Aussi, je n’ai pas la prétention de passer mon examen de bachelier nuptial cette semaine. À vingt-cinq ans on peut attendre ; il n’y a pas de clause expresse de testament qui m’imposera demain un oui forcé au pied de l’autel.

— Ah ! monsieur Edgard, dit la comtesse sur un ton de susceptibilité en apparence naturelle, votre allusion peut avoir le mérite de l’à-propos, mais elle manque de délicatesse française à la porte de ce bal.

— Ceci n’est pas clair pour nous, » dit Ernest de Lucy.

Le comte Élona, qui paraissait vouloir rester neutre dans l’entretien, se rapprocha du groupe causeur.

« Comte Élona, dit. la comtesse, venez défendre le colonel Douglas. Avez-vous entendu M. Edgard de Bagnerie ? Il vient d’insinuer, avec une perfidie fort adroite, que le colonel Douglas subit ce soir un mariage forcé.

— Le colonel, dit Élona Brodzinski, se défend lui-même ; il a mis sur sa figure tout le bonheur d’un prédestiné.