Page:Méry - La guerre du Nizam, Hachette, 1859.djvu/60

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— Sans réflexion ?

— Non, avec réflexion. Je l’épouserais pour consacrer, par mon exemple, le système du croisement des races, sans lequel l’intelligence humaine doit périr. Je l’épouserais pour faire une chose qui contrarie l’opinion de Londres. Je l’épouserais pour créer une pluie de diamants au bénéfice de ceux qui manquent de pain… Vous voyez que j’agirais avec réflexion.

— Et puis, je l’aime ! je l’aime !… c’est un amour déjà vieux de deux ans ; un amour qui a traversé les mers, qui a résisté aux séductions de Londres, qui m’a fait rompre à Smyrne, par un stratagème peut-être déloyal, un mariage forcé. »

En ce moment les rideaux du palanquin s’entr’ouvrirent du côté opposé au vent de la nuit, et deux yeux superbes étincelèrent sur un fond d’étoffe sombre.

« Colonel Douglas, dit une voix douce et affaiblie par le sommeil, où sommes-nous à présent ?

— Devant les ruines de la pagode de Djéni, sur la grande route de Mundesur et aux bords de la rivière Mozé.

— Ah ! nous avons fait bien peu de chemin !… J’ai cru entendre le tigre ; c’était un rêve, n’est-ce pas, colonel ?

— Nous sommes deux cents autour de votre palanquin, miss Arinda, et le tigre compte ses ennemis avant de rugir.

— Colonel, le tigre est prudent… Il me semble que sir Edward était à côté de vous ?

— Oui, miss Arinda.

— Je ne vois pas le comte Élona, votre jeune ami le Polonais.

— Le comte Élona est à cheval devant le palanquin de votre père, à cinquante pas d’ici.