Page:Méry - La guerre du Nizam, Hachette, 1859.djvu/66

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— Tous morts ?

— Tous, mon cher Douglas ! et pas une goutte de sang !

— Oui, c’est leur guerre. Les Taugs ont horreur du sang humain ; ils étranglent… Oh ! cette horrible guerre ne finira donc jamais !… Je vais écrire à sir William Bentinck.

— Colonel, sir William Bentinck est à Calcutta ; il vous faut des troupes demain !

— J’ai les garnisons voisines, c’est suffisant pour trois mois ; mais la guerre va prendre un caractère atroce et gagner tout le pays intérieur de la presqu’île… Cette maudite fête de leur déesse Dourga les a fanatisés !… Voilà bien les conséquences du système de Whitehall !… La douceur, la tolérance religieuse, la colonisation pacifique !… Oui, avec des bandits, des assassins !… Je voudrais voir messieurs les clercs du Foreign-Office dans la province de Nizam, prêchant leur théorie de tolérance à ces démons de Taugs !… Comme il est aisé d’être philanthrope, lorsqu’en ouvrant sa croisée le matin on voit le jardin de Whitehall et la statue de Jacques II !… Mon Dieu ! il y a un système de tolérance bien plus simple, abandonner les Indes et venir faire le commerce entre le pont de Londres et Kensington-Garden ! Nous laisserons les Taugs vivre en paix avec leur déesse Dourga… En 1812, on recommandait la même tolérance au lieutenant Mousell. On envoyait des Bibles aux Taugs, et les Taugs étranglaient nos plus braves officiers à chaque ballot de Bibles ! Vingt ans d’expérience n’ont corrigé personne… N’importe, il faut faire notre devoir de soldat jusqu’au bout, sans murmure, sans repos, dans une héroïque obscurité : se battre aux étoiles et dormir au grand soleil.