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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/110

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dez une habitation splendide ; vous avez la royauté de l’or ; votre vie a été un bonheur continuel ; eh bien ! vous ne devineriez peut-être jamais à qui vous êtes redevable de tant de choses. C’est une comédie en cinq actes, jouée à Paris le 27 avril 1784, qui vous a fait nabab indien.

Le nabab, qui parle et comprend très-bien le français, retira de ses lèvres l’ambre de son houka, et me regarda avec des yeux étincelants de points d’interrogation.

— Oui, seigneur nabab, continuai-je ; ceci va être clair pour vous.

Et je m’exprimai ensuite à peu près en ces termes :

— Le roi Louis XVI avait donné au bailli de Suffren l’ordre de rétablir dans l’Inde les affaires de France. Cet intrépide marin remplit sa mission ; aidé du comte de Forbin, Provençal comme lui, il attaque les Anglais devant le cap de Bonne-Espérance et l’île de Ceylan, remporte six victoires navales, protège les établissements de Cap-Town, prend Trinquemale, délivre Gondelour, répare à Pondichéry les désastres subis par le marquis de Bellecombe, et fonde l’avenir des comptoirs français au Malabar et au Coromandel. Ce que je vous dis là, seigneur nabab, ne doit point blesser votre fierté de marin ; la galerie maritime de Greenwich est remplie de tableaux de vos victoires navales ; laissez-nous le peu que nous avons par la grâce de Louis XVI, si bien récompensé le 21 janvier, comme traître à la nation.

» Dans notre ville de Paris, ville de toutes les vertus, de tous les vices, de tous les héroïsmes, de tous les crimes, le bailli de Suffren devait trouver, a son retour de l’Inde, un monde enthousiaste, tout prêt à l’accueillir de ses acclama-