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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/253

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— Je suis marié depuis cinq ans, dit-il ; je n’ai point d’enfant à établir ; ma petite fortune est suffisante pour ma femme et moi, à quoi bon travailler encore au profit de quelques neveux !

On ne peut qu’approuver un pareil raisonnement. Madame de Saint-Saulieux inclina la tête en signe d’adhésion, et comme elle aimait son mari, elle fut ravie en songeant qu’elle ne subirait plus ces angoisses mortelles qui, dans le cœur d’une femme, suivent le départ d’un vaisseau et ne finissent qu’au retour.

M. de Saint-Saulieux vint s’établir avec sa femme à Paris, et acheta, pour sa résidence, une petite maison enclavée dans un grand jardin, au boulevard du Temple, du côté du pavillon Beaumarchais. Un marin, après avoir renoncé aux voyages, ne saurait se plaire au milieu du fracas d’une capitale ; ce qu’il aime, c’est un réduit tranquille, le calme de la retraite, l’ombre des arbres, le charme des fleurs. M. de Saint-Saulieux, ainsi établi sur les limites du tumulte parisien, dans un jardin délicieux, avec une femme jeune et belle, ressemblait à un homme heureux ; et à coup sûr il eût été ce qu’il avait l’air d’être, sans ce maudit souvenir de la perle oubliée qui le poursuivait toujours ; car dès que sa femme donnait à sa figure une expression de rêverie, — Elle songe à la perle ! elle y songe ! disait-il, et cette idée troublait son bonheur.

Un incident inattendu, quoique fort naturel, aurait pu faire regretter une détermination prise trop légèrement peut-être ; mais M. de Saint-Saulieux remercia le ciel de cet incident et ne regretta rien. Sa femme venait de lui annoncer