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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/264

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fraîcheur dorée qui ravissait le regard ; sa bouche était un écrin de corail, où s’alignaient de petites perles fines ; mais son plus grand charme était dans ses cheveux, que les poëtes du pays comparaient au torrent du Gouroul qui tombe dans une ombre noire comme l’ébène en fusion. Ces poëtes exagéraient peut-être, selon l’usage des poëtes orientaux qui ne se contentent jamais d’une comparaison raisonnable, mais en restant dans les termes de la réalité bourgeoise, la chevelure de Mahia pouvait être comparée à celle de Bérénice qui a mérité l’honneur de figurer parmi les constellations.

Lorsque Mahia, le soir venu, faisait, loin des profanes, ses ablutions dans un frais bassin, formé par le Gange, sous le kiosque de l’émir, ses cheveux la couvraient comme un voile flottant, et lorsqu’elle sortait de l’eau, elle s’enveloppait de ce tissu naturel, comme de la tunique de la pudeur.

L’émir, qui était poëte aussi, en sa qualité d’émir, avait composé une foule de vers sur les cheveux de Mahia ; il ne se lassait jamais de les prendre, par tresses, dans ses mains caressantes, et il leur donnait toute sorte de formes charmantes qui se prêtaient aux comparaisons de ses vers. Il avait surtout composé beaucoup de pantouns, qui sont les sonnets du pays.

Chaque peuple a ses sonnets, mais les Italiens en ont beaucoup plus que les autres nations et les Indiens ont beaucoup plus de pantouns que les Italiens n’ont de sonnets.

Nous allons donner une idée de cette galanterie poétique de l’émir, en traduisant au hasard, en vile prose, un de ses plus beaux pantouns :