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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/327

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Enfin, la Renommée, seule gazette de cette époque primitive, donnait à Priam beaucoup plus de trésors qu’il n’en possédait, ce qui excitait la convoitise de tous les pirates de l’Archipel. On attendait un prétexte pour piller la banque d’Ilium.

Le berger Pâris, le créateur de cette race insipide des Don Juan, des Joconde, des Lovelace, qui courent les villes et les auberges, sans amour et sans plaisir, dans l’unique but d’accorder leurs faveurs aux femmes et de les flétrir après devant mille confidents ; le berger Pâris, seul mauvais sujet d’une vertueuse famille, sous prétexte qu’il était blond ; le berger Pâris, sans avoir à sa disposition tous les vaisseaux que lui prête Horace, per freta navibus, enleva sur une tartane la belle-sœur d’Agamemnon, Hélène, femme très-légère de mœurs, et qui, même avant l’hymen, avait donné de grands déplaisirs à ses deux frères ovipares et à tous les Tindarides ses alliés. Ménélas conduisit Hélène à l’autel, il vit sourire le dieu Hymen, couvert d’une clamyde jaune, croceo velatus amictu, il ferma les yeux comme un sage de la Grèce et passa outre. Les regrets ne tardèrent pas à venir. Clitemnestre, reine prude, comme toute femme qui médite un crime conjugal, eut l’air de se scandaliser de la vie antérieure de sa belle-sœur Hélène, on éloigna Iphigénie de la cour, par précaution ; Agamemnon regarda de fort mauvais œil la femme de Ménélas ; tout le ménage d’Argos fut troublé. Pâris leur rendit donc à tous un signalé service en les débarrassant de la jeune Tindaride ; ce rapt mettait à leur aise Clitemnestre, Agamemnon, la petite Iphigénie et Achille, son fiancé.