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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/49

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vaut une ville ; et puisque nous partons pour empoigner les Indes, si le général Bonaparte vient à prendre quelque petite ville de qualité inférieure, je la lui demanderai comme récompense. Une ville comme Saint-Denis ou Melun me suffira : je l’administrerai en qualité de bailli, et j’enseignerai les mathématiques aux citoyens indiens, mes administrés… Je chercherai la récompense, ai-je répondu au général Bonaparte. Il m’a dit alors : Je te donne trois mois de réflexion. — Je les prends, lui ai-je répliqué ; et me voilà encore sergent.

— Tu feras ton chemin, je le vois, dit le corsaire ; je te vois d’ici gouverneur de Columbo ou de Matura, ou de Nellore Sattarah, ou de Trivanderum…

— Ces villes sont-elles comme Saint-Denis ou Melun ? demanda Lamanon.

— Allons donc ! dit Lefebvre dans un éclat de rire ; on pèche des anguilles à Melun, et à Trivanderum, par exemple, on pêche du corail et des perles, dans un golfe couleur d’indigo.

— Très-bien ! cela me va, dit le sergent ; je retiendrai ce nom.

— Et tu nous donneras de bonnes places de pêcheurs, sergent ? crièrent plusieurs voix de soldats.

— Oui, oui, camarades, s’écria Lamanon en étendant les bras sur l’escouade ; oui, je vous promets de bonnes matelotes de perles et de corail.

— Vive le bailli de Trivanderum ! crièrent les soldats.

Le sergent se leva et s’inclina.

— Attendez, camarades, ajouta-t-il en reprenant sa place, attendez, nous ne sommes pas au bout. Voyons ! réponds-