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Page:Mac-Nab - Chansons du Chat noir, Heugel.djvu/12

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Poêles mobiles qui est bien le plus beau monument d’incohérence ahurissante qu’on ait jamais entendu.

Qu’on se figure une façon de poème dithyrambique pur, soigné, littéraire, classique, sur les frimas, le printemps, les pervenches, le souffle printanier, la pâle froidure, les Parisiennes, le gazon vert, les lèvres roses et l’amour, aux quatre coins duquel revient, avec la persistance d’un refrain de ballade, cet avis qui vous tombe lourdement sur la tête comme une tuile glissée d’un toit :


Le Poêle mobile se distingue de tous les autres en ce que, muni de roues, il peut se déplacer comme un meuble, etc.


Qu’est-ce que cela veut dire ? Mystère !

D’où cela sort-il ? Sphinx et rébus. Pourquoi est-ce drôle ? On n’a jamais pu le savoir, on ne le saura jamais. Pourtant personne n’a entendu cette fantaisie sans rire aux larmes.

Quand les Hirsutes eurent cessé de se réunir, Mac-Nab se dirigea sur Montmartre, cette butte sacrée qui est, comme chacun sait, le paratonnerre des idées bourgeoises.

Mac-Nab fut la pointe du paratonnerre dont la tige est le Chat-Noir.

Quelquefois au cœur des tumultueuses soirées de l’institut du Chat-Noir, Mac-Nab, long, maigre, étriqué, porteur du faciès tragique de ceux-là qui ont reçu du ciel la haute mission de venir jeter un peu de joie en ce siècle d’habits noirs et de chapeaux funèbres, Mac-Nab prenait place devant le piano et, avec ce zézaiement qui n’était pas un des moindres charmes de son talent déclamatoire, il annonçait solennellement :

« L’Expulsion ! »

Aussitôt une clameur d’enthousiasme emplissait la salle,