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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/236

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LE LIVRE

donné & procuré moult d’onneurs & de biens ; que, en reſtitution renumeration d’iceuls, & auſſi pour amende tauxée par li & par ſes gens, de ce que en ce livre ne avoie riens fait d’eſpecial choſe qui feiſt à conter pour li, je féiſſe un lay appellé Lay d’Eſperance. Lequel lay, mon tres-dous cuer & ma tres-douce amour, je vous envoie enclos en ces préſentes & vous prie, tant amoureuſement & de cuer comme je puis plus, qu’il vous plaiſe à le ſavoir, car il vient de vous, ne n’ay meſtier d’Eſperance ſe n’eſt pour vous. Et, ma tres-douce amour, puis qu’il eſt fais pour vous, il eſt raiſon que vous le ſachiez premier que li autre. À Dieu, mon tres-dous cuer, qui vous doint tel bien, tel honneur & tele joie come je vorroie pour moy-meiſme.

Voſtre tres-léal ami.


Lors ma douce dame jolie,
Qui de ma léeſce eſtoit lie,
Et de ce qu’eſtoie eſchapés
Dou lieu où j’eſtoie attrapés,
Ne fiſt pas mon meſſage attendre ;
Ains le delivra ſans attendre,
Ainſi com véoir le porrés
Quant ces lettres lire vorrés.


XXII. — Mon tres-dous cuer & mon tres-dous & mon tres-loial ami, j’ay bien veu, par vos amoureuſes lettres, comment & queles aventures vous avés eu en chemin, & que vous eſtes en bon point & en ſanté ; de quoy j’ay plus grant joie que de choſe de ce monde. Et, mon tres-dous cuer, plaiſe-vous ſavoir que onques lettres ne vinrent ſi bien apoint comme les vostres darrenieres ; car vraiement depuis que vous m’eſcriſiſtes l’autre fois, je ne fui ſans penſement, ſouſſi & paour, que vous n’euiſſiés aucun empeſchement. Mais quant je vis vos lettres, onques n’os joie qui ſi m’alaſt au cuer ; car à paine me pos-je ſous-