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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/256

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LE LIVRE

pit de mort que de les oÿr ; & je les ay leues plus de .xx. fois : & qui onques n’aroit amé, par ma foi s’il les ooit, il ameroit, s’il n’eſtoit trop rudes ou trop meſchéans. Mon tres-dous cuer, vous m’avés fait garde & treſorier de .ii. plus nobles choſes qui ſoient en tout le monde, c’eſt de voſtre cuer & de voſtre riche treſor. Et ſe Dieu plaiſt, j’en feray ſi bonne garde, que Dieus & vous & tous ceuls qui le ſaront s’en tenront bien apaié : car je ſay bien que vous gardés mieus le mien cuer que je ne ſaroie faire le voſtre. Et vous plaiſe ſavoir que quant je reçus vos lettres, li ſeigneur dont autre fois vous ay eſcript, envoierent vers moy pour avoir de vos choſes & des miennes ; & eſpecialement pour véoir voſtre ymage, comment & en quele reverence je l’ay miſe & l’onneure. Et je leur monſtray, ſi en ont moult grant merveille, & m’ont bien mandé que vous eſtes la non pareille des dames. Et, mon dous cuer, vous m’avés mandé que vous loés Dieu, Amours & Venus de ce que vous eſtes ſi bien pourveue d’ami, & que vous ne volriés mie avoir le plus grant homme du monde à ami pour moy. Certes, ma douce amie de mon cuer, vous eſtes trop decéue : car, par m’ame, je ne ſuis mie dignes de vous regarder, ne de vous deſchauſſier. Si n’en devés pas loer amours ; mais je la doi loer & mercier, quant elle m’a ſi bien aſſené, comme en vous qui eſtes la fleur des dames, & que eſtes ſi moie que vous dites que je ne porroie faire choſe qui vous deſpléuſt, & que jamais vous ne ſerés laſſée de faire choſe qui me plaiſe. Dieus le vous mire, car je ne le porroie deſſervir ne je n’en ſuis pas dignes. Mon tres-dous cuer, je vous mercy trop chierement de ce que vous m’avés envoié & envoierés ; &, par m’ame, toutes les nuis je les couche ſur mon cuer, & les baiſe plus de .c. fois le jour. Voſtres livres ſe fait & eſt bien avanciés ; car j’en fais tous les jours .c. vers, &, par m’ame, je ne me porroie tenir du faire, tant me plaiſt la matere, & pour ce que je ſay bien que vous le verriés tres-volentiers. Mais j’ay trop à faire à querir les lettres qui reſpon-