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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/270

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[vers 5003]
LE LIVRE

« En bouche à roy, & grant vilté
« De roy qui ha bouche qui ment :
« S’il avoit les dens de ciment,
« Et en la bouche le lampas,
« Ne le compleinderoit-l’en pas ;
« Que ſeroit ſages : car, ſans doubte,
« Mentir eſtaint ſon honneur toute.
« Et c’eſt pechiés & decevance
« De dire contre ce qu’on penſe.

« Juſtice dois faire à toute ame :
« Et ſi la dois peſer à drame,
« C’eſt-à-dire ſi léalment
« Qu’à tous ſoit faite egalement ;
« Qu’ire, faveur, pitié, n’amour,
« Haÿne, grandeur & cremour
« Ne te doivent à ce mouvoir
« Que menſonge faces dou voir.[1]

« Se tu vues honneur recouvrer,
« Tu ne te dois pas eſprouver
« À la miſere des chétis ;[2]
« Ains doit tes cuers eſtre ententis
« À ſouſmettre & donter la force
« De ton anemi, s’il t’esforce. [App. LVII.]
« Car nobles cuers ne ſe doit prendre
« À ce qui ne ſe puet deffendre.
« Mais s’un vaillant homme conquiert,[3]
« Honneur & loenge en acquiert ;

  1. Que de vérité tu faſſes menſonge.
  2. Tu ne dois pas éprouver ta puiſſance contre les foibles.
  3. Mais il un noble cœur dompte & attire à ſoi un vaillant homme.