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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/335

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DU VOIR-DIT.

Qu’elle avoit fait telle ordenance
Qu’Argus eſtoit bien endormis
Et Dangiers, mes fors anemis ;
Et que Malebouche groucier
N’oſeroit, pour nous courrecier ;
N’elle n’aroit jamais envie,
Se nous meniens joieuſe vie ;
Et qu’elle avoit mis en priſon
Plus fort qu’onques ne fu pris hom,
Ceuls qui nous pooient grever ;
Et en déuſt Raiſon crever.
Vous le verrez par ſon eſcript,
Car veſcy ce qu’elle m’eſcript.


XXXIX. — Mon tres-dous cuer, ma doulce amour & mon tres-chier amy, plaiſe-vous ſavoir que je ſuis où vous ſavez, en tres-bon point, la mercy Noſtre Seigneur qui ce vous ottroit ! Et ſachiez que quant il vous plaira à y venir, vous y trouverez telle joie & tele douceur que vous porriez penſer & ſouhaidier. Car j’ay empriſonné Dangier & Malebouche & ſi ay endormi Argus en telle maniere qu’il n’y a celluy qui vous péuſt grever de riens. Et, mon tres-dous cuer, combien que je vous deſire à veoir plus que nulle choſe terrienne, je vous pry que vous ne vous metez point en chemin de venir, ſe n’eſt à l’aiſe de voſtre corps. Car les chemins ne ſont pas bien ſéurs & je n’aroie jamais bien ne joie, ſe vous vous metiez en chemin & vous aviez mal. Et, mon dous amy, quant ce ſera que vous venrez, je vous pry que vous prenez voſtre hoſtel en l’oſtel que vous ſavez, car il me ſemble que c’eſt le milleur ; & vouldroie bien, ſe il povoit eſtre, que voſtre ſecretaire veniſt avec vous, ou celuy de voz gens en qui vous vous fiez le plus ; & venez ſi ſecretement que nuls ne ſache riens de voſtre venue, juſques à tant que j’aie parlé à vous. Et, à mon povoir, le treſor ſera deffermez avant ce qu’il