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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/418

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LE LIVRE

ſupplie humblement, ſe vous amez mon bien, ma pais & ma joie, que jamais il ne vous avengne,[App. XCII.] par lui ne par autre : que, par Dieu, je ne le recevroie point de li ne d’autre ; pour ce que trop grant familiarité engendre haine. Et coment que je ſuis certains com de la mort que vous le me donniſſiez plus voulentiers en preſent, j’ameroie mieus les attendre .xx. ans, que ce que vous m’en envoiſſiez .i. ſeul ne par li ne par autre. Et auſſi, mon tres-dous cuer, j’ay bien véu, oÿ & conſideré tout ce que le porteur de ces lettres m’a dit de par vous, par la créance qui eſtoit en ces lettres ; ſi me plaiſt moult de ce que vous vous eſtes deſcouverte à li. Car il m’a dit & monſtré pluſieurs choſes ſi bien & ſi ſaigement, que mes cuers eſt tous rapaiſiez. Si vous pri, ſi tres-chierement & humblement come je puis, que tous rappors, toutes choſes faites, dites ou eſcriptes entre vous & moy, ſoient oubliées & pardonnées de tres-vray cuer d’amie & d’amy ; & que jamais rien ſouveigne. Si menrons bonne vie, douce, plaiſante & amoureuſe. Et, mon tres-dous cuer, je vous ay eſcript aucune choſe que on m’avoit dit. En l’ame de moy, je l’ay fait pour voſtre bien & pour voſtre honneur, & auſſi pour vous aviſer ; ſi ne vous en déuſſiez mie ſi troubler. Quant à la clef que je porte du tres-riche & gracieus treſor, qui eſt en coffre où toute joie, toute grace & toute douceur ſont, ne ayez doubte que elle ſera tres-bien gardée, ſe Dieus plaiſt & je puis ; & la vous porteray le plus brieſment que je porray, pour veoir les graces, les gloires & les richeſces de ceſt amoureus treſor. Mon tres-dous cuer, plaiſe-vous ſavoir que j’ay enfourmé le porteur de ces lettres de toute m’intencion,[1] plus pleinnement que je ne le vous porroie eſcripre. Si

    jeune fille dans les cas de haute délicateſſe comme paroît avoir été celui-ci. On peut conjecturer que Peronne au moment de ſe marier avoit envoyé à Guillaume un ſouvenir très-expreſſif & très-confidentiel des ſentiments qu’elle lui conſervoit.

  1. Le manuſcrit no 1584 porte mon intention, et c’est la première fois que je remarque ce ſoléciſme aujourd’hui