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Page:Maeterlinck - Pelléas et Mélisande, 1907.djvu/65

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d’innocence ! Une grande innocence ! Écoutez : j’en suis si près que je sens la fraîcheur de leurs cils quand ils clignent ; et cependant, je suis moins loin des grands secrets de l’autre monde que du plus petit secret de ces yeux !… Une grande innocence !… Plus que de l’innocence ! On dirait que les anges du ciel y célèbrent sans cesse un baptême !… Je les connais ces yeux ! Je les ai vus à l’œuvre ! Fermez-les ! Fermez-les ! ou je vais les fermer pour longtemps !… — Ne mettez pas ainsi la main à la gorge ; je dis une chose très simple… Je n’ai pas d’arrière-pensée… Si j’avais une arrière-pensée, pourquoi ne la dirais-je pas ? Ah ! ah ! — ne tâchez pas de fuir ! — Ici ! — Donnez-moi cette main ! — Ah ! vos mains sont trop chaudes… Allez-vous-en ! Votre chair me dégoûte !… Il ne s’agit plus de fuir à présent ! — Il la saisit par les cheveux. — Vous allez me suivre à genoux ! — À genoux ! — À genoux devant moi ! — Ah ! ah ! vos longs cheveux servent enfin à quelque chose !… À droite et puis à gauche ! — À gauche et puis à droite ! — Absalon ! Absalon ! — En avant ! en arrière ! Jusqu’à terre ! jusqu’à terre !… Vous voyez, vous voyez ; je ris déjà comme un vieillard…

ARKËL, accourant.

Golaud !…

GOLAUD, affectant un calme soudain.

Vous ferez comme il vous plaira, voyez-vous. — Je n’attache aucune importance à cela. — Je