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Page:Magasin d'Éducation et de Récréation, Tome XIV, 1901.djvu/253

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ANDRÉ LAURIE

Bagnères-de-Luchon, je vous recommande de vous arrêter au col d’Aspin. C’est là que vous pourrez vous faire une idée de l’effet saisissant que produit une belle forêt de sapins. Cette forêt, c’est celle de Paillole que traverse la route qui monte et tourne avec lenteur, jusqu’à ce que l’on arrive enfin au sommet du col, où le panorama se déroule alors dans sa magnificence incomparable.


mm(La suite prochainement.)
Ed. Grimard.mm

LES CHERCHEURS D’OR DE L’AFRIQUE AUSTRALE

COLETTE EN RHODESIA
(La guerre au Transvaal)
Par ANDRÉ LAURIE


XX

En route vers Paris.


M. Massey en était à se demander à cette heure s’il avait agi sagement en cédant aux instances de ses enfants ; s’il n’eût pas été mieux inspiré en usant de son autorité pour refuser péremptoirement d’ajouter à sa smala un appoint si difficile à mobiliser. Au moment de quitter le sol africain, le docteur Lhomond, qui, ainsi que lui-même, avait passé l’âge des « emballements » irréfléchis, avait essayé discrètement de le prémunir contre une résolution inconsidérée, lui traçant un tableau parfaitement prophétique des ennuis, des tracas et même des chagrins que cette résolution pourrait amener, tant pour le pauvre animal dépaysé que pour ses dévoués partisans.

Mais, comme il arrive si souvent, le sentiment l’avait emporté sur la froide raison. Colette, Gérard, Lina, lady Theodora, Tottie surtout, avaient fait entendre de telles clameurs, protesté avec tant d’indignation à l’idée d’abandonner ce serviteur d’élite, cet ami incomparable, ce héros ! que M. Massey et le docteur se hâtèrent de se replier en bon ordre, incapables l’un comme l’autre d’infliger une peine dont la nécessité ne s’imposait pas impérieusement.

Et les premières étapes étaient heureusement franchies ! À bord du Lily, du Polynésien, non seulement Goliath n’avait jamais été gênant, mais il pouvait avoir la fière conscience de s’être trouvé l’ornement du voyage. Aussi son parti triomphait.

« Où qu’on le place, disait Lina avec orgueil, il sait se conduire, se rendre agréable. Comment pouviez-vous craindre un instant, vous docteur, qui le connaissez si bien, que le pauvre cher ami fût jamais de trop ?

— Il est incontestable que Goliath n’est pas de ces gens malencontreux qui vous couvrent de honte quand on les mène dans le monde. Mais n’oubliez pas, Lina, que c’est la crainte seule de peines possibles pour lui et pour vous qui nous faisait penser à nous en séparer, disait le docteur doucement.

— Il en serait mort ! faisait Colette, s’efforçant de réprimer ses larmes. Et Tottie ! Non ; quand on’a des amis pareils, il faut supporter les inconvénients qui peuvent être attachés à leur voisinage et n’y jamais renoncer délibérément !

— Hélas ! pensait tout bas le docteur, le dernier homme au monde capable de jeter de l’eau froide sur cette juvénile générosité de cœur, puissent-ils ignorer le plus longtemps possible les uns et les autres que la vie n’est faite que de séparations et que ce n’est point de cela qu’on meurt… »

Chose étrange, ce qu’ils avaient le plus redouté, lui et M. Massey, — l’embarquement et le voyage par mer, — s’était passé sans encombre, et voici qu’à peine arrivés à terre, les ennuis, les tracas se multipliaient. Au milieu de cent qualités plus précieuses et plus rares les unes que les autres, l’éléphant avait,