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Page:Magasin d'Éducation et de Récréation, Tome XIV, 1901.djvu/266

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pic, le Saint-Enoch n’en était pas moins échoué. Or, comme il risquait à chaque instant d’être englouti, il fut impossible d’employer les pirogues au sauvetage des marins anglais.

Tout d’abord, la première impression de M. Bourcart et de ses compagnons avait été celle de la stupeur.

À quelle cause attribuer cet échouage ?… Le Saint-Enoch avait à peine subi l’action de cette légère brise qui s’était levée vers cinq heures du soir… Pour être venu talonner contre cet écueil, avait-il subi l’action d’un courant dont personne ne soupçonnait l’existence, et sans qu’il eût été possible de s’en apercevoir ?…

Il existait là certaines circonstances des plus inexplicables, et d’ailleurs, l’heure n’était pas aux explications.

La secousse, on l’a dit, avait été plutôt faible. Mais, après deux coups de talon, qui ne démontèrent point son gouvernail, le navire reçut un énorme paquet de mer. Par bonheur, sa mâture ne s’ébranla point, ses étais et ses haubans résistèrent. Sans avaries dans ses fonds, il ne semblait pas qu’il fût menacé de sombrer comme le Repton. Peut-être même ne lui manquait-il que quelques pouces d’eau pour retrouver sa flottaison, et se dégagerait-il au plein de la mer ?…

Seulement le choc eut pour premier résultat de rompre les amarres qui retenaient la baleine, et le courant entraîna cette carcasse.

Il y avait autre chose à faire qu’à s’inquiéter de la perte d’une centaine de barils d’huile. Le Saint-Enoch échoué, il s’agissait de le tirer de cette fâcheuse situation.

À la suite de cet accident, maître Ollive se fût bien gardé d’interpeller Jean-Marie Cabidoulin. Le tonnelier aurait eu beau jeu pour lui répondre :

« Va… ce n’est que le commencement de la fin ! »

Cependant M. Bourcart et le second conféraient sur la dunette.

« Il existe donc des bas-fonds dans cette partie du Pacifique ?… dit M. Heurtaux.

— Je ne sais que penser… déclara M. Bourcart. Ce qui est certain c’est que les cartes n’en indiquent aucun entre les Kouriles et les Aléoutiennes ! »

En effet, les plus modernes ne portaient ni bas-fonds ni récifs dans cette partie de l’Océan où le cent-vingtième et le cent-soixantième méridien croisent le cinquantième parallèle. Il est vrai, depuis soixante heures, les brumes avaient empêché le capitaine Bourcart de prendre hauteur. Mais la dernière observation le mettait