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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/123

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LA LUXURE DE GRENADE

Elle se pencha un peu et soudain elle recula, sautant sur ses pieds en riant toute seule, et elle agita son châle dans l’air. Elle avait aperçu sur la terrasse d’une maison lointaine une petite flamme rougeâtre qui s’était élevée trois fois comme un signal.

À cet instant quelqu’un passa auprès d’elle sur le balcon. Il lui sembla que, de cette forme sortie silencieusement des pierres, parlait un ricanement de mépris.

Dépitée d’être surprise et désireuse de savoir par qui, Isabelle fit un pas en avant, saisit un coin du voile de la promeneuse nocturne et dit :

— Qui êtes-vous ?

Aïxa abaissa avec lenteur le voile qui lui cachait le visage, elle montra ses traits où elle avait rassemblé l’immense somme de mépris dont elle était susceptible et craignant de ne pas le laisser voir assez, elle cracha soudain par terre dans la direction de sa rivale et continua sa route.

Elle fit trois ou quatre pas dans une jubilation infinie. Elle était sans crainte, croyant à la lâcheté de sa rivale. À toute volée, elle reçut par derrière la main d’Isabelle sur l’oreille pendant que les étuis chinois lui cinglaient la joue. D’instinct elle para un second coup en levant le bras.

Elle ne songea pas à frapper. Sa dignité ne le lui permettait pas. Elle murmura :

— Je viens de marcher sur la plus vile des ordures.

Mais Isabelle ivre de fureur, sans se soucier de la haute stature d’Aïxa qui la dépassait de la tête, lui barra la route et tout près d’elle, à voix basse, elle