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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/143

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LA LUXURE DE GRENADE

sement antique qu’il ne pouvait y en avoir d’autre parcelle semblable dans le monde. Seul le visage des deux anges, malgré les temps sans nombre, avait gardé une intense expression spirituelle.

— Eh bien ! dit Isabelle avec impatience.

Abul Hacen se redressa, lâchant l’objet divin qui tomba sourdement.

Comme l’or et les bijoux étaient tristes autour de lui ! Comme le trésor était pesant ! Le corps d’Isabelle, avec le plaisir en puissance dans sa forme, s’étalait à sa merci, rose tendre sur le rouge passé de l’étendard. Mais il était très loin, au bout d’une avenue bizarre, bordée d’armures, d’urnes, de choses hétéroclites de toutes dimensions et dont le sens lui échappait. Ce désirable corps flottait, rayonnait comme les étoiles, devenait obscur comme un fantôme, se confondait avec ce qui l’entourait, se perdait au milieu de mille lampes qui toutes déclinaient, il allait cesser d’exister, être invisible.

Il ne le voyait plus, il devenait aveugle.

Il passa sa main sur son visage. C’était le sang d’une égratignure qui devait couler. Non, pas de sang. La malédiction dont étaient menacés les profanateurs, le frappait. Il était puni par ce qu’il avait redouté le plus toute sa vie.

Mais il ne voulait pas. Il y avait une influence maligne dans cet humide souterrain. C’était cela qui troublait sa vue. Il fallait fuir. Avec des mots entrecoupés il expliqua à Isabelle ce qui arrivait. Il gémissait comme un enfant.

— Sauve-moi ! répétait-il, en battant l’air de ses mains.