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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/184

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LA LUXURE DE GRENADE

fillette édentée. Son âne pirouetta et il s’éloigna, conduit par le juif, sans plus s’occuper d’Almazan.

Quand Almazan passa devant la grande mosquée, c’était l’heure de la cinquième prière. Il croisa un homme qui était vêtu comme un Santon et qui portait sur son épaule le signe des pèlerins qui reviennent de la Mecque. À peine Almazan l’eut-il croisé qu’il revint précipitamment sur ses pas. Mais le Santon s’était prosterné sur le sol, il souillait son front avec la poussière, il priait.

Deux vieillards qui passaient, s’arrêtèrent et l’un dit à l’autre :

— Regarde avec quelle ferveur ce Santon dit les quatre Rika de la prière de la nuit.

Almazan réfléchit. Il était sûr de ne pas se tromper. Ce Santon était l’homme qui s’était introduit dans la chambre des automates le soir de la réunion des Rose-Croix. Mais il était aussi un autre personnage et sa mémoire, infidèle jusqu’alors, lui permettait soudain de le retrouver dans la brume des souvenirs. Ce Santon était un ancien dominicain qu’on avait chassé de l’Ordre pour ses débauches et dont le Saint-Office se servait comme espion. C’était lui qui avait dénoncé à Séville le Hollandais Van Daële et qui avait fait brûler Felice de Hurtado sur des fausses accusations d’hérésie. Thomas de Torquemada lui confiait les missions inavouables et les exécutions pour lesquelles il ne voulait ni tribunal ni jugement. Si,