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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/212

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LA LUXURE DE GRENADE

Aboulfedia l’interrompit :

— Il n’y a de dispersion que celle de l’esprit et l’esprit juif est resté un, indivisible, inaltérable. Combien de sectes y a-t-il chez les chrétiens ? Combien d’hérésies ? Les inquisiteurs eux-mêmes n’arrivent pas à les dénombrer. Est-ce que toute l’Afrique du Nord et toute la Perse n’ont pas été couvertes de faux prophètes venus pour remplacer Mahomet, et qui ont trouvé des milliers de sectateurs ? Comme un bloc de diamant dont les facettes rayonnent de tous les côtés est demeurée la loi unique de Moïse. La loi est la force. Que les hommes soient dans un pays ou dans un autre, qu’importe ! La terre n’est pas tellement vaste. Ils se retrouveront quand l’appel retentira.

— L’appel du Messie ? interrompit Almazan. Ne m’as-tu pas expliqué à Séville que tu as cessé depuis longtemps de l’attendre ?

— Le Messie n’est pas nécessaire. Moïse avait prévu la dispersion et il avait donné au peuple élu le moyen d’y remédier. Ah ! Mahomet prétendait ne pas faire de miracles. Il en a fait cependant un bien grand quand il a envoyé secrètement Abou Bekr, le véridique, en Égypte, pour y acheter tout ce que possédait un petit marchand d’un bazar du Caire. Comment avait-il pu deviner ? Il était peut-être magicien comme tous les prophètes et il ne proscrivait la magie que pour en mieux user. Tu n’as pas l’air de me comprendre. Tu te demandes si mon esprit n’est pas quelque peu égaré. Tu as bien entendu parler de l’arche d’Israël, du Saint des Saints qui contenait les tables de la Loi et pour lequel Moïse fit bâtir le