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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/232

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LA LUXURE DE GRENADE

nom réel qu’il ignorait. D’abord, croyant à une erreur, elles essayèrent de rectifier.

— Je suis Ghazlan, je suis Honeïdah, je suis Mehboubeh, dirent-elles.

Mais l’Émir secoua la tête et continua de dire : Khadidja, Juana, Djemilé, selon qu’il pensait à la Mauresque, à l’Espagnole, à la Marocaine. Alors, elles finirent par s’accoutumer à ces noms et à se tourner vers lui quand il les prononçait, si bien qu’il put se croire bientôt environné par les femmes qu’il avait aimées et bercé par la musique de leurs luths.

On était le soir du troisième jour du mois de Shaban et la chaleur était accablante. Une vapeur épaisse, verdâtre, traînait sur les eaux qui semblaient malades et comme gagnées par un pourrissement venant des profondeurs. Il n’y avait pas un souffle. La galère n’avançait qu’à la rame et elle avait l’air de fendre une masse lourde et putride. Des phosphorescences palpitaient dans le lointain et des poissons volants faisaient de vagues traînées lumineuses. Les galériens semblaient s’incliner pour mourir à chaque effort et l’odeur humaine qui s’exhalait de la coursie était comme une palpable buée. Une angoisse sans cause apparente, née de l’immobilité de la mer et de la présence occulte de la mort, étreignait toutes les âmes.

Al Birouni, après avoir erré sur le pont, redescendait les quelques marches qui faisaient communiquer la galerie extérieure du pont avec sa cabine. Il vit