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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/238

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LA LUXURE DE GRENADE

s’étaient tacitement réconciliés, car chacun des deux savait qu’il ne pouvait compter que sur l’autre pour essayer de sauver le Trésor pour lequel ils avaient voulu s’entretuer.

Aboulfedia le tirait et Al Birouni le poussait. Entre deux cataractes des vents, entre deux souffles de la mer vomissant des lames, il y eut une seconde d’un miraculeux silence. Dans cette seconde, haletants sur le bois du coffre qu’ils tenaient embrassé, ils perçurent une musique de luth, légère, grelottante, lointaine comme si les Djinns qui dansent autour des puits, par les nuits printanières, dans les vallées du Kouhistan avaient commencé leur ronde.

La galère se dressa debout, au milieu d’un fracas soudain et plongea par l’arrière. L’Émir Daoud, dans le cercueil de la cabine, fut renversé contre des seins tièdes, des visages féminins, les formes retrouvées de celles qu’il avait chéries.

Et par la puissance talismanique enclose dans l’or éternellement vierge du Tabernacle, fut-il donné peut-être à Al Birouni et à Aboulfedia, qui le serraient contre eux, de descendre au fond des eaux dans la lumière surnaturelle de leurs rêves réalisés.

Al Birouni dut contempler à cette lueur les merveilles étranges du monde sous-marin, les sirènes de la Fable errant dans les forêts de madrépores phosphorescents, les scorpènes incarnats chargés d’épines, les tétradons gonflés comme des outres et pareils à des hommes obèses, les poulpes aux tentacules multiples et qui ont des yeux avec des prunelles qui palpitent, tous les monstres, portant avec horreur loin du soleil, les stigmates d’une humanité déchue.