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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/30

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LA LUXURE DE GRENADE

lules coordonnées pour l’existence d’un ensemble, reprenaient leur autonomie, se changeaient en liquides, en gaz. Il y avait dans cette chair et dans ces os, sous l’action du minéral destructeur, des liquéfactions, des explosions, des épanouissements de parasites, des déroulements de peuples en marche parmi des lacs en formation et sur des rivages de pourriture et il y bouillonnait une incompréhensible vie.

Quel drame que celui-là ! Que de temps il faudrait aux hommes avant d’avoir trouvé le secret intime de la substance dont ils étaient pétris !

Il passa la main sur son front et se releva. Il songea qu’il fallait prendre une résolution et l’embarras de sa situation lui apparut. Ce n’est pas en vain qu’il avait senti planer autour de lui d’invisibles influences de mal. Sa demeure, naguère paisible, abritait maintenant une créature morte et une créature vivante plus dangereuse que la morte. Qu’allait-il faire ?

Et tandis qu’il réfléchissait, il lui sembla que la lumière se modifiait et que l’aurore répandait déjà ses premières teintes.

Il avait cru entendre un léger bruit. Il eut la notion qu’on pouvait regarder par le trou de la serrure et voir le spectacle singulier qu’il devait former, debout près de ce mort, dans une attitude d’angoisse. Il s’élança, monta rapidement l’escalier, poussa la porte de sa chambre. Le lit était vide… Il redescendit aussitôt, regarda derrière les orangers et les lauriers, il fit le tour du patio. Une orange se détacha et fit dans le bassin un claquement d’eau.

Il s’aperçut que la porte d’entrée était entr’ouverte.