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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/311

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LA LUXURE DE GRENADE

naires du Saint Office entouraient le Quemadero. Mais toute la place avec ses autels, ses poteaux de supplice, et sa multitude de spectateurs était en quelque sorte orientée vers le large balcon de l’hôtel du duc de Medina Cœli. Là se tenaient le roi Ferdinand et la reine Isabelle, entourés de la cour, et devant eux défilèrent les condamnés.

Almazan put contempler la géniale reine Isabelle, avec son cou large et court, sa stature massive, son visage plein au teint olivâtre, pareille à cette sombre, cette aride terre d’Espagne dont elle extrayait avidement l’or, où elle promenait le fer, symbole féminin de la race tyrannique, avare, destructrice et fanatique. Et le Christ de la chambre de tourment était encore dans cette face inanimée qui regardait torturer et brûler ses sujets avec une si parfaite sérénité.

En face du balcon royal était une estrade plus haute que les autres. Et sur cette estrade qu’entourait une triple rangée de hallebardiers vêtus de blanc, au milieu du Procureur fiscal, des membres du Tribunal du Saint Office, au-dessus de toute une superposition de dignitaires, de fonctionnaires, de commissaires, de Familiers nobles, d’Alcades, il y avait un trône qui dominait. Sur ce trône était assis le grand Inquisiteur, Thomas de Torquemada, tout petit sous sa mitre et son camail à plis, comme une goutte microscopique de poison violet, au sommet de l’édifice magnifique de l’Église.

Le grand Inquisiteur regardait à terre quand Almazan passa. Sa mitre faisait une ombre. Il n’y avait pas de visage.