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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/40

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LA LUXURE DE GRENADE

suffisante pour que leurs heures fussent comptées. Pablo était parti pour Séville. L’archevêque était si certain de voir revenir son serviteur avec celui qu’il appelait son enfant qu’il n’avait pas songé à écrire ce qu’il avait de si urgent à dire. Ce n’est que tout à fait à la fin, soit à cause d’un accès de douleur, soit par cette singulière perception que l’esprit a parfois au moment de quitter sa forme corporelle, qu’il avait tracé à la hâte ces quelques lignes énigmatiques.

Pourquoi lui, Almazan, était-il menacé ? Qu’avait-il à faire avec les vengeances dont l’archevêque Carrillo pouvait être poursuivi à cause d’une existence qui s’était partagée entre la violence et la justice, la folie et la sagesse ? Pourquoi cet ordre impérieux de s’en aller immédiatement dans le royaume des Maures ? Est-ce que le danger était si grand que toute l’Espagne catholique lui était interdite ? Et par quelle coïncidence l’archevêque l’exhortait-il à aller à Grenade, le jour même où il venait le consulter sur son départ éventuel pour cette ville ?

Almazan relut le papier qu’il serrait dans sa main. Quel était ce Christian Rosenkreutz ? Quelle était cette vérité qui avait rendu l’archevêque redoutable à des ennemis auxquels il faisait allusion et quels étaient ces ennemis ?

Toutes ces questions en se pressant dans son esprit avaient annihilé sa faculté de douleur. Il n’avait jamais aimé l’archevêque tendrement. Il avait eu pour lui de la reconnaissance, de la crainte, de l’admiration. C’était lui qui avait guidé le développement de sa pensée et qui l’avait orientée dans un sens bien éloigné des enseignements de l’Église. Almazan de-