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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/51

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LA LUXURE DE GRENADE

quoi ne m’ont-ils rien dit ? Craignent-ils le trouble que cela pourra jeter dans mon esprit ? Ont-ils remarqué sur mes propres traits un commencement de l’horrible évolution ? Il n’y a ici qu’un miroir qui se trouve dans le Mabeyn du rez-de-chaussée. C’est un vieux miroir abîmé qui ne renvoie que des images déformées et auquel je ne peux me fier. Cette nuit, je m’y suis longuement contemplé à la clarté de la lampe qui fumait. Sous ma tunique de philosophe, j’avais l’air d’un grand hibou blanc qui n’a pas d’ailes. Il y avait autour de moi un inquiétant frisson de feutre. Est-ce que la chauve-souris et le rat viennent aussi se coller contre ce miroir pour y voir leur animalité grandissante ?

« Je suis allé dans l’écurie, j’ai détaché les chevaux et je les ai chassés dans la campagne. Pourquoi seraient-ils les esclaves de leurs semblables ? J’ai vu au loin un berger avec un manteau de plumes noires. Il avait un bec de corbeau et il a croassé à mon approche. Il s’est enfui en sautillant sur ses pattes quand j’ai tenté de le saisir.

« Jésus-Christ a dit : Aussitôt après ce jour d’affliction, le soleil s’obscurcira et la lune ne donnera plus sa lumière.

» Or, le crépuscule vient d’être d’une singulière brièveté et la lune, qui devrait être haute dans le ciel, n’a point paru. Les yeux de ce malheureux Pablo se sont étrangement rapetissés et tout à l’heure, je l’ai entendu qui aboyait dans la cour. Un chien, un misérable chien !