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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/64

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LA LUXURE DE GRENADE

avait pas un Messie qui descendait à toutes les minutes dans l’âme de ceux qui cherchent et espèrent ?

Mais il se tut.

Il ne lui appartenait pas de faire de la morale à ce vieillard égaré. L’image d’Isabelle de Solis venait de reculer très loin, entre la fillette édentée et le borgne fardé, porteur de lanterne. Elle n’était qu’un misérable instrument de basse orgie parmi la lie de Triana. Il ne voulait plus penser à elle, il ne voulait plus penser à rien.

— Lilith et Belial ! murmura Aboulfedia avec une voix de rêve, comme s’il se parlait à lui-même. Le prestige des démons qui portent sur leur visage et dans leur forme corporelle la beauté défendue ! C’est la souillure qui fait l’attrait de la beauté et le mystère des visages n’a de profondeur émouvante que si les lèvres sont impures.

Almazan se dirigeait vers la porte du jardin, mais Aboulfedia le retint par le bras.

— Je veux te montrer Lilith, dit-il, et une expression de gravité passa sur ses traits. Je ne crois pas qu’il y ait dans toute l’Espagne un corps plus parfait. Et Dieu lui a mis une chevelure de flamme pour marquer sa créature du sceau de l’enfer. Suis-moi, seulement ne fais pas de bruit parce que ses colères sont terribles et alors on ne peut rien attendre d’elle. Elle est plus impudique qu’une chienne en quête d’un mâle et quelquefois elle ne voudrait pas laisser voir l’ongle de son petit doigt.

Almazan sentit que la curiosité était plus forte que le dégoût et il suivit Aboulfedia.

La pièce où celui-ci l’avait entraîné était entière-