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Page:Magre - La Tendre Camarade, 1918.djvu/142

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LA TENDRE CAMARADE

durant la première partie de la nuit, tant que je parlais, le jardin était immobile et silencieux.

Mais quand nous avions beaucoup fumé, quand il était tard, que nos corps étaient légers et qu’une grande volupté nous venait d’une pression de mains, alors le jardin se mettait à bruire étrangement, les arbres s’agitaient, parlaient, et tout, dans leur voix qui n’avait pas de sens précis, était contradictoire à ce que j’avais dit. Il semblait que leur murmure venait de très loin, du cœur des grandes forêts asiatiques, où les pourrissements de racines et de bois font l’air plus épais, où il y a des accumulations millénaires de végétaux morts. Et ce murmure, après les heures où j’avais conté mon étroite sagesse d’Européen, disait la sagesse plus profonde, héritée d’innombrables siècles, de l’impénétrable Asie.