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Page:Magre - La Tendre Camarade, 1918.djvu/50

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LA TENDRE CAMARADE

on doit faire de toutes les choses quand on veut en voir la vie, tu t’apercevras que ce chêne-liège est comique et épouvantable, pitoyable et bon, que par le prestige de la lumière qui le baigne il évoque en toi mille pensées, et tu l’aimeras.

« Le soleil fait aimer le monde, parce qu’il nous en fait voir tous les aspects. Malheur aux êtres nocturnes qui le renient et cherchent près d’une lampe des rêves factices. Le champ de leur pensée se limite à la petite chambre où ils fument et ils deviennent les prisonniers de leur obsession. »

Le peintre Fortune s’arrêta. Il posa son pinceau, ses sourcils faunesques se relevèrent et il se mit à rire d’admiration.

« Je suis en ce moment le témoin d’un miracle. Le soleil a tourné et baigne tes seins et tes épaules. Tu ne peux imaginer quelle magie de rose et de jaune cela fait. C’est un tel éblouissement, l’éclatement d’un prisme si inattendu, une beauté si grande que je n’ai même plus le désir de la reproduire tant elle est invraisemblable. »

Il fit deux ou trois pas, vint toucher le miracle, le caressa un instant en riant et lui dit encore :

« Pas de fumerie, n’est-ce pas ? C’est promis. Rêve, amour, il faut tout faire au soleil. »