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Page:Malato - De la Commune à l'anarchie, Tresse et Stock, 1894.djvu/105

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commis l’imprudence de convoler et s’apercevant qu’il était cocu, eut la sagesse de renoncer aux droits de propriété maritale que lui conférait l’article 212 du Code civil ; Dutheil, qui, créé trop sanguin par la nature, avait au cours d’une discussion, assommé un contradicteur d’un coup de bouteille et, pour ce fait, tiré cinq ans de bagne. D’une honnêteté absolue au sens le plus étroit du mot, cet ex-forçat était le factotum de confiance du peu sentimental Girard qui, en s’absentant, ne craignait pas de lui laisser la clé de la caisse. Petit mais trapu et d’une force herculéenne, tireur de premier ordre, Dutheil apparaissait bien l’homme à poigne, nécessaire pour tenir en respect la bande hurlante des ivrognes et des batailleurs.

Simonin m’ayant dit adieu au bout de quelques jours, je restai seul au milieu de cette population peu attique. Je dois confesser que malgré l’absence de tous délassements esthétiques ou intellectuels, je n’eus pas le temps de m’ennuyer. D’abord, l’établissement de communications régulières avec l’acariâtre Venturini et le vagabond Fournier n’avait pas marché tout seul ; puis c’était une avalanche de dépêches que les mineurs expédiaient pour un oui, pour un non, sans regarder à la dépense. Ce que je les envoyais au diable in-petto ! Enfin, arrivaient par bandes, avides de contempler cette invention européenne qui faisait se communiquer les gens à distance, les Canaques des tribus environnantes : Canaques de Di-Magué, Canaques de Boulindo, Canaques de Kombo. Ils envahissaient le bureau avec un sans-gêne des plus primitifs, s’asseyant qui sur la caisse à pile, qui dans mon fauteuil, qui sur mon lit. Négrophile et sentimentaliste comme un vieux quaranthuitard, je les laissais faire tant qu’ils n’attentaient aux papiers qu’ils ne pouvaient