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Page:Malato - De la Commune à l'anarchie, Tresse et Stock, 1894.djvu/110

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on s’écoutait, au lieu de marcher, on s’y étendrait comme sur un lit de repos.

Mais, c’est singulier : j’ai beau avancer, la profondeur de l’eau ne diminue pas, au contraire ! J’en avais tout à l’heure jusqu’au ventre, maintenant l’onde doucereuse effleure la ceinture, puis la poitrine, puis le cou… J’avance toujours et j’enfonce, je perds pied : que d’eau ! que d’eau !

Les vagues leçons de natation que m’avait données mon père, toujours affairé, n’avaient encore jamais été mises en pratique. Jamais il ne m’avait été permis de m’aventurer seul sur l’élément perfide. À l’âge de onze ans, j’avais cependant, sans le faire exprès, piqué une tête dans le bassin du Luxembourg. Cette expérience involontaire, qui eût dû m’éclairer sur mes prédispositions nautiques, n’avait jamais été récidivée. Cette fois, il s’agit non plus d’ablutions hygiéniques, mais de disputer ma vie à la Boima, autrement redoutable que le petit bain Henri IV.

Eh ! mais, il me semble que, pour la première fois, je ne m’y prends pas trop mal. J’ai laissé tomber mon pantalon en étendant instinctivement la main pour nager, c’est vrai, mais je garde les autres parties de mon habillement : souliers, chemise, chapeau de paille même et, tirant une coupe victorieuse, j’aborde la rive opposée.

Cette épreuve me rendit très fier, d’autant plus qu’après avoir traversé la rivière de droite à gauche, il me fallut la retraverser de gauche à droite pour regagner mes pénates, ce que je fis sans aucune difficulté et avec la majesté d’un jeune dieu marin. Des popinés de Kombo, il n’était plus question pour le quart d’heure :