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Page:Malato - De la Commune à l'anarchie, Tresse et Stock, 1894.djvu/174

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pect d’un collier de poil de roussette. Pour pousser la témérité jusqu’au bout, Hook changea de sexe : il prit un tapa.

Pendant ce temps, Pinson et moi passions également de la race blanche à la noire et remplacions notre pantalon par un simple moinô. Quand tout fut fini, nous nous nous regardâmes, pétrifiés : nous étions hideux.

La fraîcheur des nuits amène souvent les Canaques, au cours du pilou, à s’envelopper d’une étoffe indigène apprêtée avec l’écorce filandreuse du cocotier ; les Rothschilds vont jusqu’à se payer le luxe d’une vraie couverture. Justement Hook en avait trois sous la main ; il donna la plus longue à Pinson qui, peu fait aux allures locales, courait quelque risque d’être remarqué, il en garda une pour lui et Marie, qui devaient entrer ensemble dans le pilou : j’eus la troisième, fort courte, avec notre grimeur Cathô. Aucun de nous trois n’ayant cheveux et yeux noirs, il était indispensable de se rabattre sur le chef un pan de couverture.

Pour ne pas éveiller les soupçons, nous nous séparâmes : Cathô et moi partîmes les premiers. J’étais muni d’un gros bambou creux servant à frapper le sol en cadence. Qui m’eût dit, alors que j’ânonnais le De Viris, qu’un jour nu et charbonné de la tête aux pieds, je ferais ma partie dans un bal de sauvages ! Ô avenir ! qui peut te prévoir !

La lune venait seulement de se montrer : quelques jeunes Canaques, les plus impatients, étaient seuls à chanter et gambader sur une pelouse qu’avaient battue, avant eux, les pieds de plusieurs générations. Au centre de la clairière, s’élevait un poteau, obliquement planté et surmonté d’un énorme coquillage conique. C’est là que