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Page:Malato - De la Commune à l'anarchie, Tresse et Stock, 1894.djvu/184

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naissaient pas et commandés par un officier peu brave, en revanche fort imprévoyant. Mais, avaient-ils eu le temps de rassembler leurs gens ? En tous cas, ce n’était pas l’heure de se perdre en réflexions. Mon Canaque, Hilario, me semblant à peu près sûr, je le plaçai en sentinelle à quelques pas du bureau, armé d’une poignée de sagaïes, et sans prévenir mes parents, de peur de les alarmer sur mon compte, je m’éclipsai pour voler au secours de la vieillesse et du sexe faible.

Peut-être, eût-ce été le rôle du lieutenant Gaillard, qui pouvait distraire une escouade sur ses vingt hommes et l’envoyer soit par terre soit par mer dans la baleinière du poste, là où Dubois et moi allions au pas de gymnastique. Mais cet officier, perdant la tête, avait réfugié sa précieuse personne à la caserne, après voir fait noyer une provision de poudre.

Nous ne courions pas au combat les mains vides : Dubois avait son coupe-choux et moi une façon de mousquet prêté par les Henry quelques jours auparavant, en prévision d’éventualités. À la vérité, je manquais de balles, aussi les avais-je remplacées par des cailloux : on fait ce qu’on peut ! Et un seul coup à décharger ! Enfin, au petit bonheur !

À mesure que nous avancions, nous distinguions notre pauvre paillotte ou plutôt l’amas de flammes qui la dévorait. La nuit était à demi-obscure, la lune ne montrant parcimonieusement qu’un quartier de sa surface ; nous ne voyions âme qui-vive : sans doute, les Canaques étaient-ils tapis dans les buissons. Comment ne nous apercevaient-ils pas ?

Une voix nous arrêta soudain, à quarante mètres de la maison Henry :