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Page:Malato - De la Commune à l'anarchie, Tresse et Stock, 1894.djvu/191

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tenir campagne contre les colonnes mobiles partant de Canala et d’Uaraï, fut surpris ce jour-là dans les forêts de la chaîne centrale à Amboa. Avec lui périrent un sorcier — qui ne le fut pas assez pour éviter le trépas — et un grand nombre de guerriers : une cinquantaine de femmes furent faites prisonnières, Naïna, qui se trouvait là, eut la chance de s’échapper : il avait déjà failli être pris le 7 août, à Farino, par les Canalas, au service des blancs.

Ataï mourut le rire à la bouche : un guerrier de Nundo, Segon, lui coupa la tête qui fut envoyée en France. Une des oreilles ayant été dévorée par un auxiliaire, les expéditeurs galonnés n’éprouvèrent, dit-on, aucun scrupule à en prendre une au premier cadavre venu pour rapparier leur trophée. Quels sont les plus sauvages ?

Cette insurrection fit la fortune d’un officier de marine, l’enseigne de vaisseau Servan, petit-fils de l’ancien ministre girondin. Il était chef de l’arrondissement de Canala et, aux premiers troubles, voyant les grandes tribus de Gélima et Kaké entrer en bouillonnement, prêtes à se joindre aux révoltés, il conçut l’audacieuse idée de les compromettre pour les attacher à la cause française. Il les rassembla et lui-même vêtu d’un tricot et d’un caleçon, une plume d’aigle servant de coiffure, carabine à la main, il partit à leur tête, seul de blanc. C’était le soir : à la nuit, on fit halte devant les villages révoltés. Les Canalas commençaient à parler avec animation et leur chef de guerre, Nundo, qui se faisait remarquer par sa véhémence, ne proposait rien moins que de tuer l’officier blanc.

Le moment était critique, Servan ne perdit pas la tête : il joua d’audace. Se dirigeant vers Nundo, il lui tendit