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Page:Malato - De la Commune à l'anarchie, Tresse et Stock, 1894.djvu/200

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semblait ahuri. Quant à ceux de l’embuscade, nous voyant sur nos gardes et prêts à la première démonstration hostile, à brûler la cervelle à leur chef — s’ils eussent connu l’impuissance de notre arme ! — ils ne bougèrent pas : nous passâmes !…

Quand nous eûmes laissé derrière nous cet endroit dangereux, Malakiné, faisant contre mauvaise fortune bon cœur, essaya de nous donner le change. S’armant d’un sourire contraint et nous tapotant amicalement sur l’épaule, il eut le cynisme de nous demander si nous nous étions bien réjouis et reviendrions le gratifier d’une nouvelle visite.

Nous lui répondîmes on ne peut plus négativement et, à cette proximité du poste, nous estimant aux trois quarts sauvés, nous éclatâmes en reproches amers sur la duplicité de ce potentat, digne de rivaliser avec ses confrères européens.

Malakiné, cela va sans dire, se disculpa avec indignation, mais jusqu’à notre départ d’Oubatche, il ne remit plus les pieds au poste. Sans doute redoutait-il des représailles et rien ne nous aurait été plus facile que de l’emmener de force, car, à un kilomètre, nonchalamment couché sur l’herbe, comme un berger de Virgile, était Victor Hook à qui nous racontâmes l’affaire. En même temps, nous congédions les deux indigènes fort soulagés. Le brave suisse rebroussa chemin avec nous, critiquant quelque peu notre mansuétude, mais appartenait-il à des proscrits de se montrer féroces envers des hommes, même anthropophages, qui s’insurgeaient pour leur liberté ?