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Page:Malato - De la Commune à l'anarchie, Tresse et Stock, 1894.djvu/240

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sur la Loire et tout le monde courut sur le pont : la vigie venait de signaler la terre.

Au loin, se profilaient, de moins en moins vagues, les côtes de la vieille Armorique.

— Eh bien, la voilà donc, la France, mademoiselle Aimée, Désirée ! répétait sans se lasser un communard sentimental.

Tant de fanatisme m’horripilait ; la patrie de l’homme qui pense n’est-elle pas partout ? J’eus, moins d’une heure plus tard, un nouvel exemple de chauvinisme. Nous avions dépassé le Goulet, saluant et salué, échangeant des signaux avec les autres navires, finalement jetant l’ancre et accosté par les embarcations du port. Tout à coup, nous vîmes les marins du bord et même quelques passagers jeter sur mon père et moi des regards colères : une rumeur leur était venue de terre qu’on allait avoir la guerre avec l’Italie. Indifférents ou même sympathiques à ces gens l’instant d’avant, nous leur étions soudain devenus ennemis parce qu’il plaisait au cabinet Ferry d’aller à Tunis !

Laquelle est la plus grande, la canaillerie des gouvernants ou la bêtise des gouvernés ?

Mais nous n’eûmes pas le temps de nous attarder en réflexions de haute philosophie : déjà les amnistiés faisaient leurs préparatifs de débarquement ; ils allaient retirer leurs malles de la cale. Notre stupeur à nous deux fut grande, en constatant que les nôtres avaient été soulagées d’une foule d’objets ou, pour mieux dire, à moitié vidées : cette perte nous était des plus sensibles car nous arrivions presque sans le sou.

Nous nous rendîmes chez le commandant pour lui demander quelques explications : un coup de théâtre