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Page:Malato - De la Commune à l'anarchie, Tresse et Stock, 1894.djvu/274

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ment d’amour libre. Je n’oserais jurer que les allures abruptes de certains compagnons n’aient pas un peu tourné ses ardeurs militantes en philosophie rabelaisienne. Il est artiste jusqu’au bout des ongles et Montmartrois fieffé ; cette double qualité explique son froid à l’égard de Ravachol.

Incompressible et tonnant, déchaînant souvent la tempête, jamais l’animosité, Gegout, alors que la fièvre propagandiste eût pu me rendre sectaire, m’a rappelé que l’anarchisme était non la cristallisation de l’être humain dans une doctrine rigide, quasi-religieuse, mais l’incessante et large évolution des idées et des sentiments.

Pauvre Attaque ! Gegout, Faure, Weil et moi, devenus ses rédacteurs, l’aimions bien, tandis que notre collaborateur et ami, Mougin, investi du secrétariat, corrigeait les épreuves avec la sévérité du plus implacable puriste : il mourra en recommandant son âme à la grammaire.

Je fus cause de la condamnation de Gegout à quinze mois de prison et à trois mille francs d’amende, pénalité que je partageai naturellement, l’ayant provoquée par un article dans lequel les juges découvrirent une série de conseils à l’usage des manifestants du 1er mai (on se trouvait en avril 1890). C’était absolument faux, car nous croyions peu aux révolutions à jour fixe ; mais ne fallait-il pas au pouvoir un prétexte pour incarcérer, ce jour-là, les adversaires considérés comme gênants ? Une réunion publique retentissante, qui venait d’avoir lieu au « Concert des fleurs », à Clichy, décida de notre sort, et le ministère Constans, prévoyant un accès d’indépendance de la part du jury, eut la précaution de rédiger, le matin même des débats (28 avril), un arrêté d’expulsion me frappant comme perturbateur italien.