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Page:Malato - De la Commune à l'anarchie, Tresse et Stock, 1894.djvu/31

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soupir de soulagement s’échappa de toutes les poitrines : cent quarante-cinq jours de souffrances, de dénûment, d’humiliations, de disputes étaient déjà presque oubliés.

De la cabine du commandant aux cages des prisonniers, le branle-bas était général. Nous ne quittions plus le pont : peu à peu les contours de la terre se précisaient, la mer blanchissait à l’approche des récifs ; vers midi, nous passions devant le phare Amédée. L’île océanienne nous apparaissait alors avec ses superpositions de montagnes, dont l’une, le mont Dore, de sept cent soixante-quinze mètres, domine toute la côte sud-ouest. Sur notre droite, nous laissions l’île aux Lapins, simple banc de sable recouvert de quelque verdure, et nous pénétrions dans la rade de Nouméa, entre l’île Nou et la pointe de l’Artillerie. Une ville en amphithéâtre, assez grande mais irrégulière et dénuée de végétation, s’étendait devant nous : de maigres arbustes, poussant comme à regret dans un sol rougeâtre, faisaient semblant d’abriter des maisons en bois, hautes de dix pieds et couvertes d’une toiture plate en zinc. La réverbération du soleil sur ces plaques métalliques, qui rend les rues de Nouméa presque infranchissables de midi à trois heures, est une des principales causes de la fréquence des ophtalmies. Ajoutons cependant qu’en l’an de grâce 1894, l’aspect de Nouméa s’est considérablement modifié : la ville éclairée au gaz (!) compte maintenant de véritables maisons en pierres de taille, possédant non plus un simple rez-de-chaussée avec vérandah, mais plusieurs étages. En 1875, l’hôtel du gouverneur, situé au fond d’un très beau jardin, était à peu près le seul édifice qui rappelât en partie l’architecture européenne.

À peine eut-on jeté l’ancre, une embarcation du port,