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Page:Malato - De la Commune à l'anarchie, Tresse et Stock, 1894.djvu/52

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rappelait-il, que le bon Dieu a beaucoup d’invités ; ses douze apôtres et un grand nombre de saints. » Les candides insulaires retournaient alors lutter contre le poisson.

Ce fait paraîtra à d’aucuns peu vraisemblable, forgé peut-être par l’esprit de parti. Pourtant c’est une des supercheries les plus anodines de ces bons Pères qui, sentant leur règne fini en Europe, s’en vont colporter chez les sauvages les bourdes qui n’ont plus cours chez nous. Aussi s’efforcent-ils jalousement d’empêcher tout contact entre leurs fidèles noirs et les blancs infidèles ou hérétiques. Ils sentent qu’à côté des cadeaux néfastes qu’ils leur font, les Européens communiquent cependant aux naturels quelques bribes d’examen et de scepticisme. L’ivrognerie, la syphilis, passe encore ! Mais la libre-pensée, jamais !

Stylés par d’aussi bons éducateurs, les indigènes de Kunié ne devaient guère frayer avec les déportés : « Méchant Tayo[1], tu as tué le « bon Dieu de Paris ! » dirent-ils plus d’une fois aux communards. Il s’agissait de l’exécution de l’archevêque Darboy, imputable surtout à ses ennemis les ultramontains et au machiavélique Thiers, braves gens qui devaient se frotter les mains en chantonnant à la sourdine ces vers de Cavalier dit Pipe-en-Bois :

Et c’est ainsi qu’on creva la paillasse
À monseigneur l’archevêque de Paris !

Les directeurs spirituels de la reine Hortense avaient


  1. Tayo, mot d’origine polynésienne qui veut dire « ami, camarade » et, par amplification « homme ». L’idée que les hommes sont des amis ne pouvait naître évidemment que dans un cerveau sauvage.