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Page:Malato - De la Commune à l'anarchie, Tresse et Stock, 1894.djvu/60

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jour, les cachaient sous quelque amas de feuillage. Combien furent surpris par les rondes de surveillants et condamnés à des années de prison pour vol du bois appartenant à l’État et dont il eût été moins dangereux de faire des flûtes ! Mais les autres ne se décourageaient pas. De toutes ces tentatives, la plus célèbre et la plus malheureuse fut celle du docteur Rastoul qui, avec vingt-et-un camarades, partit de l’île des Pins par une nuit de tempête. Sans doute, comptaient-ils trouver à peu de distance au large un bâtiment qui les prendrait à son bord, car à ceux mis dans la confidence qui leur disaient : « Attendez au moins vingt-quatre heures ! partir par ce temps c’est aller à la mort, » ils répondaient invariablement : « Il faut que nous partions cette nuit. » Ils allèrent et on n’eut jamais de leurs nouvelles. Seulement, plus tard, l’autorité pénitentiaire exposa à la presqu’île Kuto des débris de bateau comme étant celui de Rastoul, à l’effet de doucher les ardeurs d’évasion.

Parmi les vingt-deux, se trouvait un Italien d’un grand courage, Palma, qui avait fait le coup de feu contre celui d’État, avec mon père. Je me rappelle ce dernier me narrant l’épisode : après la prise de la barricade du faubourg Saint-Martin, qu’ils défendaient, mon père, Palma, quelques Italiens et Hongrois s’étaient cachés dans une cave sous des sacs à charbon. La troupe victorieuse perquisitionnait partout : au moment juste où elle descendait dans le sous-sol, Palma, qui voyait plutôt le côté comique que le côté tragique des choses, partit d’un formidable éclat de rire, à la grande fureur de ses compagnons. Par un bonheur providentiel, les soldats, harassés de luttes et d’exécutions ne poussèrent pas leurs