Page:Malato - La Grande Grève.djvu/114

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Un violent coup de poing dans les reins vint le tirer de sa lugubre méditation, en même temps qu’éclataient furieuses ces paroles :

— Numéro 4,203, qu’est-ce que vous avez à regarder comme cela ? N’ayez pas peur ! vous allez y être arrivé à l’île Nou et on vous y souquera dur ! Charogne !

C’était le surveillant de deuxième classe Carmellini qui s’exprimait ainsi. Non, d’ailleurs, qu’il eût un motif quelconque de réprimander Bernin, mais il estimait qu’il faut « faire sentir son autorité » si l’on veut gouverner les hommes en général et les forçats en particulier.

Aussi faisait-il sentir la sienne au petit bonheur, à propos de tout et de rien. Il s’en prenait généralement au forçat qui se trouvait le plus rapproché de lui. Dans l’occurrence, c’était Bernin.

Celui-ci baissa humblement la tête et fit un pas pour s’éloigner de l’irascible surveillant. Mais les condamnés étaient empilés dans le chaland comme des sardines dans une boîte et la tentative du no 4,203 lui attira un vigoureux coup de pied dans les jambes, qu’accompagna cet avertissement tardif, murmuré à voix basse par un compagnon grincheux :

— Bourrique ! Je te défends de me bousculer.

Ce fut dans ces conditions peu encourageantes que Bernin débarqua à l’île Nou.

C’est généralement sur la grande terre même, au camp de Montravel, que descendent les transportés à leur arrivée dans la colonie. Un premier classement a lieu, à la suite duquel les condamnés classés dangereux et ceux qui exerçaient des professions industrielles sont dirigés sur l’île Nou, tandis que les autres vont renforcer les camps de l’intérieur. Cette fois, le directeur de l’administration pénitentiaire avait décidé que le classement se ferait à l’île Nou même.

Bernin arrivait dans la colonie, transporté de 5e,