Page:Malato - La Grande Grève.djvu/206

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n’ont que des gros sous à opposer aux millions du Capital. Lors même que celui-ci est momentanément vaincu, se disait-il avec les théoriciens révolutionnaires, il prépare sa revanche et commence peu à peu à reprendre d’une main ce qu’il a concédé de l’autre. La loi des salaires est une loi d’airain : les déshérités en vertu de la concurrence qu’ils se font par leur nombre illimité, demeurent à la merci du patronat qui leur concède juste l’indispensable pour vivre en continuant à travailler et pour se reproduire. D’autre part, si les salaires augmentent, par un jeu de bascule, les vivres, vêtements, loyers, toutes les nécessités de la vie augmentent aussi. Que peuvent les grèves contre cela ? Ah ! une bonne grève générale qui arrêterait la production dans toutes ses branches et coïncidant avec une grève de soldats, obligerait la bourgeoisie, désarmée et atterrée auprès de ses millions stériles à abdiquer comme jadis la noblesse, oui, ce serait la solution ! Mais une telle grève est-elle possible ?

Si Moschin eût pu se douter des idées qui s’agitaient dans le cerveau de Bernard, il ne l’eût certainement pas déclaré « bon pour l’embauchage ».

À la mine, Bernard observa et, reconnaissant à quel point la police de des Gourdes enveloppait les travailleurs, il s’abstint de toute parole imprudente. Mais il avait reconnu les camarades sérieux, ceux qui avaient ou étaient susceptibles d’avoir une idée dans la tête, et un groupe d’affinité s’était peu à peu formé qui, en dehors du travail, en dehors même de la chambre syndicale, se réunissait pour discuter sérieusement.

L’apparition inattendue de Moschin dans la salle du Fier Lapin causa une stupeur générale. Comment avait-il eu vent de ce rendez-vous, que les mineurs s’étaient donné individuellement entre camarades sûrs ? Y avait-il donc un traître parmi eux ?

Certes, ils ne faisaient rien d’illégal en projetant