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Enfin, le 15 décembre 1885, Détras, toujours sous le nom de Paul Rège, quittait la colonie à bord du vapeur anglais Polynesian, se rendant à Sydney. Son voyage payé, il lui restait cent francs.

Ce n’était pas assez pour retourner en Europe, mais c’était assez pour vivre sur le sol australien jusqu’à ce qu’il y eût rencontré un travail rémunérateur. Il se trouvait libre, maintenant, pour aller, venir d’autant plus qu’aux mines de Poro, il avait passablement appris l’anglais, très incorrect d’ailleurs, parlé par les émigrants des Cornouailles, ceux désignés dans la colonie sous le nom de Cornishmen.

Détras, bon ouvrier, rencontra le travail qu’il cherchait. Il comprenait bien qu’il était indispensable pour lui de posséder en arrivant à Mersey une certaine somme. Autrement, comment pourrait-il voyager en dissimulant sa présence et emmener sa femme et sa fille ?

Conséquemment, il demeura dix mois en Australie, économisant sur son salaire avec le même acharnement qu’en Nouvelle-Calédonie. Seulement le 20 octobre 1886, Détras s’embarqua à Brisbane sur la goélette française Bel-Espoir, en partance pour Marseille.

Avec quelle joie il mit le pied sur ce bâtiment délabré et infect ! Tout à bord, nourriture et couchette, était épouvantable ; les rations, réduites par les vols successifs des magasiniers et du maître-coq, eussent mécontenté un ascète. Détras, lui, tout à sa joie du retour, ne voyait rien, ne se plaignait pas, trouvait tout bien.

Pourtant, il fut brusquement arraché à son exultation. Ce fut lorsque le Bel-Espoir, s’étant engagé dans le périlleux détroit de Torrès, se trouva jeté contre un récif et, éventré, sombra avec tout son équipage.

Détras savait nager : la côte méridionale de la Nouvelle-Guinée s’étendait à moins de quinze cents mè-