Page:Malato - La Grande Grève.djvu/271

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laissait voir sa poitrine, la seule chose qu’elle eût de belle. Cette fois encore il la prit.

Si ignorante fût-elle, la Martine suivait et calculait ce bouillonnement du mâle. Le vague idéalisme qui avait porté Jean à s’éprendre de Céleste, belle et pauvre, s’était dissipé, étouffé par le milieu abrupt, le besoin violent, et les tendances ancestrales : la petite fleur bleue avait vécu.

Le fils Mayré revint donc à la Martine, et, peu à peu, sans l’aimer, s’y habitua. Il y avait des moments où elle le dégoûtait, où il se sentait des envies de la battre, ignorant pourquoi ; et puis, il s’abandonnait. C’était lui maintenant qui, tous les deux ou trois jours, allait la chercher.

Pierre Mayré et sa femme devinaient leurs relations, mais ils ne disaient rien. Au fond, ils s’estimaient heureux que leur fils eût sous la main ce qu’il lui fallait, sans besoin d’aller à la ville courir après les gueuses qui coûtent de l’argent et quelquefois vous pourrissent jusqu’aux os. Ils constataient, du reste, avec plaisir, que leur servante conservait pour eux le même respect.

Mais un jour le fermier ayant dit pour plaisanter à la Martine :

— Faites attention, ma fille, il me semble que votre ventre s’arrondit. N’allez pas nous faire un enfant sans père.

Elle répondit tranquillement :

— Oh ! n’ayez pas peur notre maître ! Le père ne serait pas loin.

Pierre Mayré tressaillit, quelque peu inquiet.

— Que voulez-vous dire ? fit-il brusquement en fixant sur la servante un regard qui manquait de douceur.

La Martine ne baissa pas les yeux et répondit :

— Notre maître, il y a quasiment trois semaines que Jean m’a prise de force.

— Prise de force ! Ah ! garce, tu as été trop heu-