Page:Malato - La Grande Grève.djvu/316

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Et elle dépeignit Martine : un homme roux, grêlé, à la moustache maigre et rude.

Détras eut un frémissement : il lui semblait que ce signalement répondait exactement à celui du cabaretier de Véran, qui lui avait inspiré une si profonde défiance.

Était-il possible qu’il se trouvât guetté à la porte de l’Étoile solitaire, que la police l’attendît au moment où il allait revoir les siens, prête à lui mettre la main au collet ?

C’était un bonheur providentiel, bien qu’il ne crût pas à la Providence, que l’enfant lui eût fait part de sa rencontre.

— De quel côté s’est dirigé cet homme ? demanda-t-il.

— Vers la maison. Il doit être tout près maintenant. Si la route ne faisait pas un coude, tu pourrais l’apercevoir.

Et levant ses yeux sur son père, Berthe ajouta :

— Mais tu n’as pas peur de lui, n’est-ce pas ?

Peur ! S’il ne se fût agi que de risquer sa vie, Détras eût tenu tête à plusieurs hommes comme Martine. Mais ce n’était pas seulement sa vie qui était en jeu : c’était, avec sa liberté, le repos, la sûreté des seuls êtres qui lui fussent chers.

— Berthe, dit-il, je vois que tu es une grande fille qui comprend : écoute bien ce que je vais te dire.

— Oui, papa, fit l’enfant un peu émue par ce préambule et encore par le ton grave de son père.

— Tu vas rentrer toute seule à la maison. Ne crains rien : il ne peut rien t’arriver, et puis je ne te perdrai pas de vue jusqu’à ce que tu sois arrivée. Tu m’entends bien ?

— Oui.

— Tu prendras Panuel à part et tu lui diras que je t’ai rencontrée. C’est lui qui avertira ta mère, de façon à ne pas l’inquiéter. Tu feras cela.

— Je le ferai.