Page:Malato - La Grande Grève.djvu/347

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mouvement auquel j’ai conscience d’avoir travaillé dans toute la mesure de mes forces et que je serais heureux de voir éclater. Ce serait une grande joie pour moi, une compensation aux souffrances que j’ai endurées.

Bernard parlait simplement, sans la moindre pose en faisant allusion à ses souffrances morales et matérielles, la suspicion de ses camarades, l’agression, l’hôpital, la perte de son travail et de son pain. Il disait l’espoir qu’il avait au cœur. Son accent de conviction profonde frappa Paryn.

— Vous croyez qu’un grand mouvement se prépare ? lui demanda-t-il.

— C’est absolument certain, répondit le mineur. La Compagnie, devant le sentiment unanime de la population, a dû faire des promesses, mais vous pouvez être sûr qu’elle n’a aucunement l’intention de les tenir. Je connais assez des Gourdes et son monde pour n’avoir pas le moindre doute à cet égard.

— Cela peut devenir grave.

— Oui, car les mineurs se rappelleront les paroles prononcées la nuit de la catastrophe et aujourd’hui même au cimetière par des Gourdes. Le parjure de la Compagnie pourra causer une explosion de colères, explosion bienfaisante si nous sommes quelques-uns de bon conseil pour guider les camarades.

Le front du docteur se rembrunit.

— Prenez garde d’être les victimes du mouvement que vous déchaîneriez et de donner des armes à la réaction ! murmura-t-il.

Bernard réprima un mouvement d’impatience.

— Eh ! riposta-t-il, c’est avec ces craintes-là qu’on ne fait jamais rien. Donner des armes à la réaction ! La réaction ! Elle est pour nous la même chaque jour : nous la rencontrons invariablement au fond de la mine, nous qui sommes de simples bêtes travailleuses et non des politiciens. Qu’avons-nous à