Page:Malato - La Grande Grève.djvu/352

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tant d’éléments déclassés et inclassables. Ici, il sera beaucoup plus aisé de vérifier si les adhérents sont ou non de véritables travailleurs.

— Mais enfin, qu’espérez-vous faire avec ce nouveau syndicat ?

— Donner la cohésion nécessaire au mouvement qui se prépare.

— Toujours votre idée fixe de grande grève !

— Oui, de grande grève… en attendant l’autre, la vraie… la grève générale.

— Oh ! celle-là est pour un avenir lointain.

— Qui peut savoir ? Qui peut dire ?

— Et à votre grande grève, vous y croyez pour bientôt ?

— Peut-être dans un an, peut-être plus tôt ou plus tard. Mais elle viendra, soyez-en sûr.

Brossel, sceptique, secoua la tête.

— Oui, reprit Bernard avec force, elle viendra : elle est dans l’air. On ne peut préciser l’avenir, mais on peut l’entrevoir. L’oppression a atteint son comble, elle ne peut aller plus loin ; d’autre part, les idées se sont éveillées ; les mineurs se lassent d’être insultés dans leur travail, espionnés dans leur vie intime, de voir leurs femmes et leurs filles obligées de se courber sous la férule du prêtre, sous peine de mourir de faim, pendant que, dans les ouvroirs, des malheureuses travaillent à cinq francs par mois.

Ils se lassent de voir les cercles catholiques, les sociétés de gymnastique, les orphéons, sous la présidence de des Gourdes ou de Moschin, venir entraver tout développement de la vie ouvrière. Ils veulent un peu plus de bien-être, un peu moins de fatigue, en attendant la disparition totale du salariat, et ils se lèveront pour faire valoir ces revendications immédiates qui ont pris corps dans leur esprit. Ce ne sera plus une aspiration vague, une révolte impulsive et désespérée, exploitée par les mouchards comme autrefois, au temps de la « bande noire ». Non, ce