Page:Malato - La Grande Grève.djvu/439

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— Ces sept cents, monsieur le baron, ne sont plus depuis ce matin que cinq cent soixante-quinze, et, malgré leur soumission, le tiers à peine oserait entamer en se syndiquant une lutte contre le syndicat rouge.

Des Gourdes frappa du poing son bureau.

— Des lâches ! gronda-t-il.

— Eh ! oui, des lâches ! Ils descendent bien dans les puits, sous la protection de la police et de la troupe, mais c’est tout ce qu’on peut attendre d’eux. Actuellement il n’y en aurait pas cent cinquante pour se syndiquer : le mot seul leur fait peur. Cent cinquante, qu’est-ce que je dis ? Pas une centaine !

— N’importe ! avec ces cent-là, constituez toujours le syndicat. Pourquoi avoir attendu aussi longtemps ?

— Pourquoi ? Vous le savez, monsieur le baron, parce qu’on espérait pouvoir recruter d’un coup trois cents Italiens et sept cents mineurs du bassin de la Loire. Cette masse d’un millier d’hommes jetés brusquement à Mersey aurait désorganisé la grève et réduit le syndicat rouge à capituler, tandis que le syndicat jaune se serait constitué victorieusement d’un seul élan.

— Oui, murmura des Gourdes, et il a suffi d’un misérable braillard parlant de solidarité internationale pour tourner la tête aux Italiens et nous les enlever. Je l’ai toujours pensé : il nous faudra importer en France de vrais Jaunes, des Chinois qui travaillent sans discuter.

À ce moment, la porte s’ouvrit et la baronne entra dans le cabinet de travail.

— Eh bien, où en êtes-vous ? demanda-t-elle, répondant, par un signe de tête, au salut profondément respectueux de Moschin.

Elle était vêtue d’une simple matinée bleu clair ; de son corps s’exhalait un discret parfum d’iris. Avec sa décision virile, elle apparaissait presque séduisante. Les moins gracieuses peuvent avoir leur